Le parfum des tatamis
La première fois que j’ai vu un tatami c’était en accompagnant mon frère à son cour de judo. J’avais 9 ans, et j’étais loin d’imaginer à l’époque que je mettrais ma télé dessus.
Un tatami qu’est-ce que c’est?
Un tatami c’est essentiellement un matelas trop dur fait en paille de riz. Si vous habitez à la campagne essayez de dormir dans un fétu de paille et vous aurez une expérience assez semblable à celle d’une nuit au japon. Si vous dormez dans une étable éviter la cellule du taureau, au cas ou ce dernier ne soit pas partageur.
Comment on s’en sert?
Il existe une grande quantité de tatamis différents, ceux pour le judo ou les sports de combat dont je parlais plus haut sont bien sur différents de ceux que l’on utilise dans la maison. Il y a pas de gros en peignoir dessus. Dans un logement japonais les tatamis sont le plus souvent présents dans deux types de pièces au moins. La pièce dite japonaise ou se situe l’autel en l’honneur des ancêtres. On y trouve souvent un kotatsu et une forte odeur d’encens. La seconde pièce étant la chambre. Quitte à dormir sur un futon de 3 centimètres d’épaisseur autant éviter le carrelage. Pour avoir tester les deux je vous garantis que les tatamis sont plus confortables que le sol de votre cuisine.
Le parfum des tatamis?
Parce qu’il faut bien que je justifie mon titre. Les informations pratiques c’est bien mais un retour d’expérience c’est mieux. Eh bien sachez que les tatamis ont une odeur très distinctive, particulièrement quand ils sont neufs. On aime ou on aime pas. Quand j’ai emménagé dans mon dernier appartement, celui-ci venait d’être remis à neuf. Je pouvais à peine rentrer chez moi les premières semaines tant l’odeur m’indisposais. Et tant bien même, impossible de fermer l’œil. J’ai donc fait ce que tout le monde ferait dans cette situation, je passais toutes mes soirées dans les bars.
“Toriaezu biru”, ou pour commencer une bière comme le veut l’adage. Je tournais d’un débit de boissons à l’autre en espérant trouver un peu de repos ou un partenaire de boissons avec qui me plaindre de mon infortune. J’étais dans ce bar philippins en train de négocier un rabais sur les cocktails à la tomate.
“Allez-la, pour un client régulier.
-C’est la première fois que je vous vois.
-Oui mais c’est ma troisième bière
-Septième
-Vous voyez.
-Non, un cocktail c’est plus cher.
-Soyez raisonnable, des boissons à la tomate c’est pas bon. Vous faites une affaire en la vendant moitié prix. En plus ça vous débarrasse de la place si j’en bois. Je vous rends service
-Non c’est non”
Je chancelle vers une table à proximité des toilettes. S’asseoir n’est pas une bonne idée, ou peut être que si, mais j’ai pris l’habitude de boire debout. Je m’appuie sur une poutre qui passait par là et prend quelques minutes pour regarder dans le vague.
“Hi”
Assise un peu plus loin une jeune femme me jette des regards intéressés. Elle a la taille fine, de longs cheveux noirs. Elle porte un jean, ce qui lui donne un style à l’européenne. Elle est plutôt mignonne. Je ne suis plus vraiment en état de juger de toute façon. J’agite connement la main.
“Hi”
Elle semble satisfaite. Un temps d’hésitation, dois-je me déplacer à sa table ou est-il préférable de lui faire signe de venir. C’est que je suis pas sur de pouvoir me concentrer pour marcher jusque là bas. Un coup d’œil à ma montre. 23 heures 15. Il est encore tôt. Qu’est-ce que je bois encore? J’aurais juré avoir commande un jus de tomate.
Qu’est-ce qu’ils mettent dans leurs boissons?
Finalement on se lève tous les deux pour se retrouver à mi-chemin. Je longe le mur pour assurer mon pas. Elle s’appelle Yuki, vu de près elle a un physique affûté, un large sourire, des problèmes de peau et un seul visage. Elle est venue boire un verre avec sa sœur et quelques un de ses amis dont un prétendant apparemment. Finalement elle va reprendre une boisson, je l’accompagne en dévisageant le barman et nous allons nous asseoir à la table près de laquelle je me tenais précédemment.
“Qu’est-ce qui c’est passe avec le barman? C’est un ami?
-Non, il est un peu bizarre.
-Comment ça?
-Il me racontait son histoire. Apparemment il s’est fait arnaquer par un vendeur de jus de tomates.
-Ah, vraiment?
-Oui regarde, c’est pour ça qu’il y en a sur la carte. Ahah, comme si quelqu’un buvait du jus de tomate.
-J’aime bien le jus de tomate moi.
-Oui… enfin tu vois ce que je veux dire.”
On a continué à parler pendant un moment d’un tas de sujets différents. Elle avait plein de trucs à dire, son expérience à l’étranger dans une ONG (possibilité de cocktail gratuit), sa passion pour les voyages et ses jeans moulants. Pendant la conversation, sa sœur nous regardait du coin de l’œil. Tout se déroulait parfaitement quand elle vint nous interrompre.
“Yuki il faut rentrer c’est l’heure du dernier train.
-Oh, tu es sur. J’ai envie de rester un peu.
-Comment tu vas rentrer?
-En taxi, on n’habite pas si loin.”
Elle n’avait manifestement pas envie de rentrer. Elles ont continué à parler un moment en m’ignorant, tant est si bien qu’elles ont dû toutes les deux finirent par manquer leur train. Mais après réflexion ce truc du train était peut-être un prétexte. Après un moment et alors que je reprenais peu à peu conscience Yuki se dirige avers moi.
“Viens, ma sœur va rentrer, on va dans un autre bar, c’est nul ici
-Ok.”
Elle me tirait par le bras, je suivais comme une poupée désarticulée sans savoir précisément où j’allais atterrir.
“Tu connais bien la ville.
-Oui je suis née ici”
Après une vingtaine de minutes de marche à un bon bas nous nous retrouvons dans un bar de hippie, la lumière tamisée par un épais nuage de fumée de cigarette.
“tu prends quoi.
-Un whisky
-Deux”
Elle pose sa main sur ma cuisse. Tout se passe bien, enfin je crois.
“On va chez toi?
-Euh, y a des tatamis, pourquoi pas chez toi?
-Il y a ma sœur.
-Hum…, je veux dire, je comprends allons chez moi.
-En plus j’aime bien l’odeur des tatamis”
Elle semblait sincère, je ne sais plus très bien, en tout cas ce jour-là l’odeur des tatamis ne me gêna en rien. Mieux encore elle contrastait agréablement avec l’odeur de whisky et de tabac froid qui émanait de ma chemise. Depuis lors le parfum des tatamis est ma madeleine de Proust, des que j’entre dans une pièce équipée je repense à cette nuit et au jus de tomate.
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